Table ronde animée par Delphine Seitiée (Alp ICT) avec Florian Revaz (ISIT-CH), Laura Tocmacov (ImpactIA) et Sylvain Rossy (AI Swiss)
IA et environnement#
Sans introduction préalable Delphine s’est tournée vers Florian pour lui poser directement LA question qui brûlait les lèvres de tout le monde: pourquoi l’Intellligence Artificielle est-elle si polluante? Florian explique d’abord que l’IA a des besoins en matériel et en infrastructure. En effet la puissance de calcul nécessaire pour entraîner les machines sur les modèles mathématiques est juste phénoménale. Le besoin est tel que les grands constructeurs comme NVidia innovent à une vitesse frénétique pour amener plus de puissance de calcul. Cela a un prix écologique: impact sur les matières premières qu’on extrait du sol, sur l’eau et les énergies fossiles qu’on utilise pour extraire et transformer tout cela en serveurs. Outre les machines, il faut aussi construire des data centers, qui ont eu aussi un impact non négligeable: ciment, eau pour les batiments, énergie et eau pour refroidir les serveurs etc… Entre 2022 et 2026 la demande énergétique pour l’IA va doubler, et se situer entre la consommation énergétique d’un pays comme la Suisse et la consommation énergétique de l’Allemagne! Amazon annonce une augmentation de 30% de sa consommation en eau, à cause de l’IA. Microsoft en annonce 20%.
L’Intelligence Artificielle est aussi un pari pour résoudre ou nous aider à résoudre nos problèmes environnementaux.
-Florian Revaz
Laura enchaine en expliquant qu’en fait, tout est une question d’usage. Et pour en faire un bon usage, il faut se concentrer sur la compréhension de ce qu’est l’Intelligence Artificielle, à quoi cela sert, à quoi cela ne sert pas. Cela va permettre notamment d’avoir la prise de conscience suffisante pour se mettre en action sur la conception de modèles mathématiques ayant le moins d’impact possible. Il faut donc s’acculturer en faisant un premier projet d’IA. Cette acculturation est primordiale pour décider d’appliquer l’IA aux bons cas d’usage.
Les départements métier des entreprises considèrent souvent que l’IT est un blocker dans la mise en oeuvre de l’IA dans l’entreprise
-Laura Tocmacov
Sylvain ajoute que le risque est de voir se développer du “shadow IT” dans les départements métier. Il confirme qu’il y a déjà plein de projets d’IA qui sont menés “en douce” dans les grosses entreprises. La prolifération de ces projets aurait un impact extrêmement négatif sur l’environnement.
IA et éthique#
Delphine questionne ensuite Laura sur les enjeux éthiques autour de l’Intelligence Artificielle, qui énumère 8 enjeux intéressants:
- L’alignement des valeurs de l’IA avec les valeurs de l’entreprise
- L’IA ne doit pas se faire au détriment de la planète
- Les biais des modèles mathématiques et la non-diversité des données
- Qui sont les formateurs de l’IA? L’IA doit représenter une diversité de personnes, ce qui implique qu’elle doit être formée par pleins de personnes différentes, par des données issues de plein de cultures différentes.
- Quels sont les utilisateurs de l’IA? Eviter que l’Intelligence Artificielle ne soit que pour une élite seulement.
- Qui décide de ce qui est juste et moral? Les Intelligences Artificielles sont construites et formées en très grande majorité par les géants nord-américains. Leur culture de puritanisme a engendré des Intelligences Artificielles qui censurent les nouvelles érotiques. Est-ce que la culture européenne se retrouve là-dedans? Avons-nous, européens, eu le droit de choisir?
- L’Intelligence Artificielle et l’Open-Source: éviter la dépendance aux entreprises devenant plus puissantes que des états.
Delphine questionne ensuite les experts pour savoir si, au niveau des IA génératives, il y a des modèles plus éthiques, plus ouverts et plus transparents que les autres. Et incroyablement la réponse fut Facebook, ou plutôt Meta! Meta a construit son projet LLaMa en open-source, ouvert à tous. N’importe qui peut contribuer à le faire évoluter. Il est complètement gratuit.
Le mot de la fin#
Nous devons être vigilant à ce que l’Intelligence Artificielle ne supplante pas la souveraineté numérique locale. Les règlementations arrivent, et notamment la loi européenne “IA Act” qui va mettre sous pression les entreprises dans leur manière de gérer cette technologie avec la possibilité de générer de très grosses amendes. D’ailleurs cette loi fait déjà peur à Apple qui a décidé de bloquer en Europe l’utilisation de l’Intelligence Artificielle embarquée dans le nouvel iPhone 16. En Suisse, il y a des projets en cours pour la nano taxation sur l’utilisation de l’IA générative et ainsi rediriger les fonds vers les assurances sociales. Il sera intéressant de suivre de près ce projet!
La phrase de clôture de cette table ronde résume bien le besoin d’acculturation dont nous avons besoin sur cette nouvelle technologie: Le pouvoir c’est la connaissance!